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« Face au numérique, le papier a encore toute sa place »

par mktg_exap
7 minutes de lecture

Pierre Jubeault, « ex-communicant », a repris l’imprimerie Emgé à Saint-Malo en 1997. Face à la concurrence du numérique, il a développé des produits imprimés qui ont, même à l’heure d’Internet et des recherches instantanées sur Google, toute leur place.

Pouvez-vous nous raconter l’histoire d’Emgé ?

C’est une imprimerie vieille de 68 ans qui était spécialisée dans l’édition de cartes postales. Elle éditait en plus un guide touristique de la Côte d’Emeraude, ainsi qu’un Annuaire des marées. J’ai racheté l’imprimerie en l’état il y a 24 ans.

À l’époque, j’avais une agence de communication et je voulais changer d’activité. Une agence c’est un peu comme une coquille vide : il est difficile d’établir des relations durables avec ses clients.

Et puis vous avez trouvé Emgé…

Oui ! Le patron était tout seul et il cherchait repreneur. Il y avait deux salariés à l’époque, que j’ai gardés bien sûr. L’assistante qui était là à mon arrivée travaille toujours avec moi, et elle fête ses 41 ans de maison cette année ! Elle m’a été d’une aide précieuse pour m’approprier l’histoire d’Emgé, et aujourd’hui, je pense qu’elle connaît toujours mieux la boîte que moi !

Comment se sont passés les débuts ?

Quand j’ai racheté cette imprimerie, j’ai tout de suite cherché à diversifier ses activités. Je ne voulais pas retomber dans les travers de ce que j’avais connu dans la communication où « le fond de commerce n’existe pas ». Alors, après de longs mois de préparation, nous avons lancé un annuaire téléphonique privé, un an tout juste après mon arrivée.

Un annuaire ?

Oui, un annuaire de professionnels « comme » les Pages jaunes, mais en local. Saint-Malo, comme Dinan, étant situé à la limite entre l’Ille-et-Vilaine et les Côtes d’Armor, il était donc intéressant de créer un annuaire qui couvre une véritable zone d’intérêt économique.

Avant, pour trouver un professionnel dans un rayon de 30 km il fallait consulter deux annuaires. Avant la mise en place de notre annuaire, les entreprises qui réservaient des encarts publicitaires sur la commune de Saint-Malo étaient défavorisées puisque Saint-Malo est classée alphabétiquement derrière Rennes dans l’annuaire Pages Jaunes d’Ille-et-Vilaine. Les consommateurs pouvaient donc arrêter leur choix sur des professionnels rennais avant d’avoir vu ceux de Saint Malo.

Notre annuaire recense environ 8 000 professionnels, il est distribué gratuitement en boîtes aux lettres à 93 300 exemplaires sur 58 communes situées sur l’un des deux départements (22 ou 35), ce qui représente une population de l’ordre de 170 000 habitants.

Comment avez-vous réussi à monter un annuaire en moins d’un an ?

Ça a été intense ! (rires) J’ai fait de la pure prospection commerciale. En 90 jours, j’ai rencontré 900 entreprises. Soit 10 par jour. Je passais mon temps sur la route et dans les cabines téléphoniques pour prendre des rendez-vous ! Ça a été dur, mais je me suis très vite rendu compte que l’annuaire répondait à une vraie demande.

Quel impact a eu d’Internet sur votre activité ?

Ce sont des usages différents. Les gens aiment encore avoir sous la main cet annuaire qui compile les professionnels locaux. Certes, on peut retrouver les mêmes adresses en cherchant sur Internet, mais ce n’est pas la même chose. L’objet a son importance. On a attaché beaucoup de soin au format, à la prise en main, au confort de lecture. Il ne prend pas trop de place, et peut donc être rangé facilement dans n’importe quel tiroir. On a également fait en sorte que les recherches soient faciles et lisibles, grâce à des rubriques bien identifiées et une police adaptée.

Tout cela fait que, finalement, notre Annuaire Emeraude apporte une vraie valeur ajoutée par rapport à 10 pages de résultats Google, pas toujours pertinents. Face au numérique, le papier a encore toute sa place.

Mais de manière générale, l’informatique d’abord et Internet ensuite ont porté de vrais coups durs à la profession d’imprimeur. Juste un exemple, il y a 30 ans, je crois me souvenir qu’il y avait 7 imprimeurs à Saint-Malo. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que 4. Il faut seulement espérer que l’hémorragie va s’arrêter là. L’avènement de l’informatique a incité les particuliers, mais aussi les professionnels, à « tout faire » par leurs propres moyens. Ces clients potentiels pensaient qu’avec leur imprimante ou leur copieur, ils pourraient faire les mêmes choses qu’un imprimeur… en beaucoup moins cher. Les résultats plus ou moins heureux, voire catastrophiques, ont encouragé certains à reprendre le chemin d’une imprimerie pour leurs travaux afin d’avoir la garantie de la qualité. Mais le prix reste un vrai problème. Internet a provoqué la dématérialisation, c’est pourquoi nous avons beaucoup moins de demandes d’impression de tête de lettres ou d’enveloppes par exemple.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

Pas très simple ! Il y a des retournements de marchés de plus en plus violents. L’utilisation du papier a changé, mais cela reste un support qui va perdurer si nous savons le remettre en valeur.

Pour nous, petits imprimeurs, le seul moyen de nous en sortir est de ne pas rester seuls. Il faut s’unir et mutualiser les moyens. Les investissements en machines sont lourds à supporter et il est nécessaire de trouver d’autres solutions pour apporter réactivité, qualité et compétitivité. Avec notre presse numérique dernière génération, nous pouvons répondre à des demandes de courts tirages (cartes, dépliants, brochures… ), mais, à partir d’un certain volume, il est économiquement plus avantageux (pour nos clients et nous-mêmes) d’externaliser notre production.

Nous avons abandonné le marché de l’édition de cartes postales car pas du tout rentable à cause des coûts de préparation et de commercialisation. En revanche, nous avons élargi notre offre puisque nous sommes en mesure d’imprimer des grands formats (1,65 m de laize) pour des affiches ou posters par exemple, et de fabriquer des tampons commerciaux personnalisés.

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