Donner le temps à un projet personnel, réinvestir des solutions d’impression, c’est le partenariat imaginé entre Exaprint et étapes : pour offrir l’expérience des outils de l’imprimeur sans contraintes et en s’appuyant sur une idée du créatif qui, faute de temps, n’a pu prendre forme.
Julien Priez a accepté de relever le défi. En 1 600 modules usant de différents effets d’impression (métal design, gaufrage et stickers), il revisite la mosaïque à l’aune de la majuscule.
CAROLINE BOUIGE : Pouvez-vous nous raconter votre parcours depuis votre DSAA en design typographique à Estienne ?
JULIEN PRIEZ : Aujourd’hui mes journées consistent à dessiner des lettres mais cinq années m’ont été nécessaires pour vivre de ce métier. Quand je suis sorti en 2010 de l’école Estienne Paris, j’avais beaucoup trop confiance en moi. J’ai compris au fur et mesure qu’il me restait beaucoup à apprendre. Chez Pierre Di Sciullo, j’ai d’abord essayé, comme lui, de marcher à la frontière entre art plastique, design graphique et typographie. Je suis ensuite devenu indépendant en collaborant avec Müesli ou Marge design (qui s’appelait alors atelier Chévara). J’ai commencé à donner des cours de calligraphie, je réalisais aussi des séries d’affiches specimen pour éprouver mes caractères et mes calligraphies à l’aune du graphisme. Cela a très peu généré de commandes mais m’a permis de diffuser mon travail et de rencontrer mes pairs. Pourtant l’argent ne rentrait toujours pas. Je suis alors devenu professeur de nouvelles technologies à l’Iscom. J’encadrais 300 étudiants. J’ai tenu 1 an avant d’être embauché chez Fontyou où j’ai appris à développer des caractères typographiques à l’échelle industrielle. Depuis 2015 je suis redevenu indépendant et je partage un local avec deux amis (Nils Paubel, vidéaste et Mathieu Réguer, dessinateur de caractère). J’ai intégré le collectif High on Type avec Vincent de Boer, Guido de Boer, Hans Schuttenbeld et Ivo Brouwer avec lesquels nous organisons le festival All Eyes on Type (les deux dernières éditions se sont déroulées à Rotterdam). Nous éditons aussi un fanzine annuel, Week.
CB : Vous êtes « graphiste typographe calligraphe». Vos lettres sont elles aussi des images ?
JP : Je considère que le dessin de lettre ne peut pas être dissocié du graphisme. J’ai une grande attirance pour les affiches, et j’aime dessiner des caractères destinés à être imprimés en très grand corps. Ils sont ainsi plus expressifs et deviennent des illustrations à part entière.
CB : Comment répartissez-vous votre temps entre les projets de commandes et les expérimentations personnelles ?
JP : C’est du 50/50. On m’appelle de plus en plus pour des projets d’expérimentations. Ce temps est fondamental pour moi. Il nourrit ma passion pour le métier et me permet de faire évoluer ma pratique. Je le considère comme un temps pour moi, un loisir même si cela est parfois difficilement compréhensible par mes proches qui me voient travailler tout le temps. Sinon, j’aime aussi beaucoup les sports de combats et le cinéma.
CB : Dans quel espace travaillez-vous ?
JP : Je partage un local avec deux amis où j’accroche des productions qui me plaisent au mur : des travaux de Spassky Fischer, Syndicats, Götz Gramlich, Bureau Brut, Vincent de Boer… À mon goût c’est trop petit. Je pense partir un jour de Paris pour des questions d’espace.
CB : Comment se mettent en place vos projets personnels ? Avez-vous une méthode pour faire venir les idées ?
JP : Pour dire la vérité ; fumer, dormir, lire, sortir, partager et beaucoup pratiquer sont, pour moi, les ingrédients qui marchent. Mon approche de la typographie est très liée à la calligraphie d’un côté et au graphisme de l’autre. La calligraphie comme étude de la typographie : de la structure de la lettre, en passant par la silhouette d’un mot jusqu’à travailler la composition et la couleur d’un texte.
Mes influences majeures sont Arrighi, Eric Gill, Bram de Does, Jost Hochuli & Job Wouters.
Côté graphisme, j’aime beaucoup dessiner des typographies de titrage destinées à l’affiche et à l’impression en grand. J’ai beaucoup observé de ce côté les travaux de Jean Midolle, Figgins, Kris Sowersby, Commercial type, Swiss typefaces, Ohno, Yoann Minet de Bureau Brut & Hélène Marian.
CB : Comment avez-vous imaginé et construit cette typographie modulaire en partenariat avec Exaprint ?
JP : Le travail réalisé pour étapes : avec Exaprint est un mélange de plusieurs sources d’inspirations : Marian Bantjes (l’association de motif créant des lettres), Karel Martens (le motif en tant que structure modulaire), Jean Midolle (Alphabet Monstre) et les Azujos Portugais. Ce que vous voyez est un pavé de texte en deux graisses superposées. Les ornements sont dessinés préalablement dans un éditeur de polices de caractère. Une fois cette fonte générée, je tape les modules comme du texte courant. Je souhaitais réaliser une sorte de prototype de ce que j’aimerai faire en céramique à l’avenir et ainsi investir les façades et l’espace public. Imprimer ces modules de 5 centimètres me permettait aussi de mélanger plusieurs procédés d’impressions (gaufrage, autocollant, impression métallisée) et voir leurs interactions. Surtout, je voulais détourner l’usage de ces procédés normalement destinés pour le petit format.
CB : Combien de temps avez-vous mis pour concevoir une lettre et la réaliser en mosaïque avec les impressions Exaprint ?
JP : Une ou deux heures pour la conception, deux jours et demi pour l’assemblage de la mosaïque. Je pensais que ce serait plus rapide mais je suis très heureux du résultat.
CB : Comment avez-vous choisi et assemblé les différentes solutions d’impression ?
JP : J’ai choisi l’impression métallisée (metal design) pour le fond et les reliefs. Si c’était à refaire j’aurais utilisé une surimpression rouge et cyan métallisée afin que le fond brille. J’ai aussi opté pour du gaufrage, afin que le corps au centre de la lettre soit mat et contraste avec le fond. Enfin j’ai commandé des autocollants pour la tête et les pieds de la lettre. Je suis vraiment content de cette partie. Je pense refaire appel à Exaprint pour imprimer d’autres modules et approfondir cette expérimentation.
Caroline Bouige, rédactrie en chef de la revue étapes :