Pour cette deuxième invitation à s’emparer des solutions d’impression Exaprint, étapes: convie le graphiste David Valy du studio Camping design. Avec ses vingt-quatre tampons et ses grandes feuilles quadrillées, l’amoureux des lettres reconsidère l’impression sur poster, en mode spontané.
STELLA AMMAR : Quel est votre parcours depuis votre diplôme au sein des Arts Décoratifs de Paris ?
DAVID VALY : À la sortie des Arts Décos en 2000, j’ai tout d’abord travaillé pour le Studio d’Ich & Kar pendant quelques mois où j’ai notamment collaboré avec Helena Ichbiah sur l’album de Rachid Taha Made in Medina. J’ai ensuite intégré le studio de Laurent Fétis et participé à plusieurs projets internationaux, comme la création d’un visuel pour Beck. Par la suite j’ai eu le plaisir de travailler avec Philippe Apeloig au sein du studio graphique du musée du Louvre. En 2006, je me suis lancé et ai créé mon propre studio : Camping design.
SA : Quelle est la place de la typographie dans vos projets ?
DV : Depuis le début de mon activité, la typographie est au coeur de mes travaux. J’ai débuté par le dessin de la Caennaise pour la commande publique des Beaux-arts de Caen en 2011. Depuis, je crée des logotypes, des signatures et des systèmes graphiques pour mes clients. Actuellement, je redessine la Servatius, une police de titre assez grasse, utilisée dans un arrêté préfectoral datant de 1870 annonçant très solennellement le départ en retraite du Baron Servatius, Préfet de l’Allier.
Dans mon voyage à travers le temps, je peux passer de 1870 à 1980 très facilement. Par exemple, une photo inédite de Bob Marley sortant du Sofitel d’Orléans (photo de Robert Nesta Marley, prise lors de sa dernière tournée en Europe) m’a récemment inspiré.Elle m’a conduit à retravailler la police du logotype de l’hôtel. De même, un projet sur une autre police à empattements crochues, repérée sur des coques de bateaux, est en étude. J’analyse ces polices dans le cadre de projets de commandes futures. Grâce aux courbes de Pierre Bézier, je prends un grand plaisir à les dessiner.
SA : Comment entretenez-vous votre inspiration et vos idées ?
DV : Je suis féru de culture à propos de design, d’architecture, de cinéma, de musique et de gastronomie. Je porte un regard attentif sur les petites choses du quotidien. J’aime les gens et j’aime encore plus les observer. Toutes ces influences se répercutent dans mon travail. Pour l’identité de SB26, une nouvelle maison d’édition de mobilier en métal, produit en série limitée, j’ai effectué de longues recherches sur les poinçons, et après plusieurs échanges avec le designer Samuel Accoceberry et le ferronnier d’art Bruce Cecere, l’identité finale a été totalement dessinée à la main. Aussi, je poste une fois par jour un projet réalisé sur l’instagram de Camping design, avec le hashtag #Onedayonejob. Cela maintient mon inspiration.
SA : Quelle place donnez-vous aux expérimentations personnelles dans votre travail ?
DV : Elles sont présentes en continu. Tel un vase communiquant, elles enrichissent mon travail professionnel. Quotidiennement, dans ma « caisse à outils » de formes, je glane, collecte, dessine et redessine. Actuellement, en plus de mon travail au studio, je réfléchis à une petite gamme de mobilier d’intérieur et extérieur basée sur des formes minimalistes, très épurées, comme des réceptacles pour plantes ou de petites maisons d’oiseaux. De nature plutôt gourmande, je suis également très friand d’accessoires de cuisine manuels. Je réfléchis donc à une gamme de couverts très ergonomique mais élégante. Intégrer ses petits plaisirs dans son travail est très ludique. Je sais également me ressourcer dans le cinéma (Free to Run, Ni juge ni soumise, Wine Calling) ou la lecture. A book of Things de Jasper Morrison et le roman La facture de Jonas Karlsson sont sur ma table de chevet. J’écoute beaucoup 2 la radio comme FIP, la musique de Metronomy, Jamie XX ou Stéphane Grappelli entre de nombreux autres. La pratique du Yoga et du Pilates sont des éléments essentiels dans mon équilibre de vie.
SA : Comment avez-vous imaginé et conçu ce poster en collaboration avec Exaprint ?
DV : Je venais de regarder plusieurs films de Michel Legrand et j’ai ressenti l’envie de travailler avec les paroles d’une chanson des Demoiselles de Rochefort, la « Chanson des Jumelles ». Le texte a un esprit printanier, enjoué, et il est connu de tous. J’ai décidé que mes outils seraient uniquement les lettres de cette chanson. J’ai fait le choix d’utiliser deux polices de caractères mêlées : une manuelle élégante dessinée au pinceau Comic, la Salisbury de Ray Larabie et une linéale géométrique, la Benjamins Gothic de Benjamin Critton. Je me suis mis en situation « Silex and the City », sans électricité ! Mon objectif résidait dans l’élaboration d’un poster d’après une caisse à outils préconçue : une chanson, un quadrillage fait d’une grille basique pour accueillir les paroles et de gros tampons. Je me suis amusé à ajouter un message personnel, un petit coeur rouge imprimé. Le décès de Michel Legrand est survenu pendant la création de ce poster.
SA : Vous avez déjà produit des posters pour le projet de recherche graphique Air Poster. Quel attrait portez-vous pour ce format ?
DV : Le format 120 × 160 cm est une surface idéale pour tester une composition et une technique d’impression. C’est un grand format qui se rapproche de la taille humaine, ce qui crée une proximité presque charnelle avec le support. On le travaille de près mais l’éloignement est indispensable pour voir si le résultat rendu fonctionne.
SA : Pourquoi avoir fait le choix de travailler avec des tampons ?
DV : Quand on m’a proposé cette collaboration, j’ai tout de suite regardé si Exaprint proposait des tampons. J’ai toujours été amusé par ce principe de reproduction ultra-rapide. Avec ces grands tampons auto-encreur, de format A5, l’impression est directe, ludique et élémentaire. Ils sont les premiers outils que nous utilisons à l’école et nous ramènent inévitablement à une part de notre enfance. Ils ont d’ailleurs connu un véritable succès auprès de la rédaction d’étapes:… J’aime ce côté naïf. Avec ces deux couleurs, des surimpressions sont possibles et des défauts apparaissent. Aux côtés de Manon Ducoup, stagiaire chez Camping design pour la semaine, j’ai pu constaté que les tampons sont des outils de reproduction vivants. Je compte réutiliser ce système d’impression à l’occasion d’un projet pour traiteur bio.
Propos recueillis par Stella Ammar pour étapes: